Y a-t-il équivalence entre l’inscription en compte et l’inscription dans un DEEP (ou une blockchain) ?

Avec l’ordonnance n°2017-1674 du 8 décembre 2017 et le décret n°2018-1226 du 24 décembre 2018, le législateur a rendu possible l’utilisation d’un DEEP (Dispositif d’Enregistrement Electronique Partagé) ou d’une blockchain pour la représentation et la transmission des titres financiers. Pour mettre fin à tout suspense concernant la question soulevée dans notre titre, soulignons dès à présent que l’article L.211-3 du C. mon. Fin. reconnaît le principe d’équivalence pure et simple de l’inscription dans un compte-titres et de l’inscription dans un DEEP. Cependant, ce n’est pas parce que la loi institue un principe d’équivalence que cette équivalence est établie fonctionnellement.

Blockchain, DEEP (Dispositif d'Enregistrement Electronique Partagé)

Qu’est ce q’un DEEP ? Un DEEP est-il une blockchain ?

Tout d’abord, qu’est-ce qu’un DEEP ? La question mérite d’être posée en préambule pour bien comprendre ce qui se joue dans l’équivalence discutée. On pourrait définir un DEEP comme un registre digital simultanément enregistré et synchronisé sur un réseau d’ordinateurs. Ce registre évolue alors par l’ajout de nouvelles informations qui sont préalablement validées par le réseau d’ordinateurs et destinées à ne jamais être modifiées ou supprimées. De plus il convient de retenir que le stockage des données de ce type de registre n’est pas centralisé.

Un DEEP est-il alors une blockchain ? Nombreux sont ceux qui, par simplification, considéreront qu’un DEEP est une traduction française d’une blockchain. Cela est partiellement vrai. En effet, si un DEEP reprend deux des principales caractéristiques de la blockchain (1- sa vocation de registre et 2- son caractère partagé), tous les systèmes de registre distribué ne reposent pas nécessairement sur une chaîne de blocs conçue pour assurer l’exécution d’un consensus distribué. La chaine de blocs n’est qu’un des types de structure de données. Cela étant dit, un DEEP peut parfaitement être une blockchain car, comme on l’a vu, une blockchain n’est finalement qu’une forme particulière de registre distribué reposant sur une structure de données en chaine de blocs.

Ce que dit la réforme sur l’équivalence entre DEEP et registre papier.

Dans le cadre de la réforme visant entre autre à moderniser et simplifier les registres de mouvements de titres, le législateur a fait les choix suivants :

  • La suppression de tout compte titres lorsqu’une société émettrice recourt à la blockchain ou à un DEEP (choix que n’ont pas fait d’autres Etats tels que le Luxembourg),
  • Le maintien dans ses grandes lignes du régime des titres financiers actuel,
  • La définition très large d’un DEEP (non limitative à la blockchain) sans exigences techniques précises à ce jour.

Cependant la modification du support du registre des mouvements de titres n’est pas neutre. Ce n’est pas parce que la loi institue un principe d’équivalence pour les deux techniques de représentation des titres financiers (papier et DEEP) que cette équivalence est établie fonctionnellement. Charge au prestataire du DEEP d’en assurer cette équivalence fonctionnelle.

Les deux supports de représentation papier et DEEP présentent des caractères distincts qui imposent de nuancer ce principe direct d’équivalence.

L’équivalence s’avère toujours possible en soit si des adaptations sur le support DEEP permettent d’aboutir aux mêmes fonctions que celles de l’inscription en compte.

Les fonctions et caractères de l’inscription en compte tels que définis dans le droit français et à intégrer à minima au sein d’un support DEEP sont ainsi:

  • l’identification nominative du propriétaire des titres,
  • la constitution d’un instrument de contrôle des titres financiers,
  • l’établissement du fait générateur du transfert de propriété des titres financiers,
  • le caractère négociable des titres que confère la protection du cessionnaire qui ne peut voir un tiers remettre en cause son droit de propriété.

Ces fonctions précisées par le législateur présentent alors 3 caractères essentiels :

  1. Il doit s’agir d’un écrit sur un support durable. L’inscription des titres dans un DEEP constitue bien un support durable d’identification. En effet le DEEP est avant tout une technologie de stockage et de transmission d’informations qui peut présenter un caractère durable permettant d’identifier les propriétaires de titres.
  2. Cet instrument doit permettre au propriétaire d’exercer un contrôle juridique sur ses titres. Les systèmes d’authentification (cryptographie asymétrique) et les délégations de mandats assurent ce contrôle via un support DEEP si cela est prévu par le prestataire du DEEP. Chaque titulaire se voit octroyer deux clés (une privée et une publique) et à défaut d’utilisation de la clé privée aucun transfert ne pourra avoir lieu. Perdre cette clé ne doit pas être équivalent à perdre ses titres ou ses droits. Le prestataire du DEEP doit alors prévoir une procédure d’opposition et de renouvellement de clé privée.
  3. Enfin cet instrument doit être unique car il n’existe qu’un seul compte-titres opposable pour un titre financier donné. Ce caractère essentiel est moins évident mais le prestataire DEEP peut l’assurer en fournissant un seul registre par société et en enregistrant chaque opération dans un bloc distinct de sa blockchain.

Outre l’adaptabilité de ces fonctions et caractères, il demeure cependant des incertitudes sur le cadre légal français concernant l’inscription des titres non cotés. D’abord l’article L. 211-3 du C. mon. fin. n’exige que « des garanties, notamment en matière d’authentification, au moins équivalentes ». Charge au prestataire du DEEP d’authentifier à l’inscription et à chaque connexion les personnes ayant les clés privées qui confèrent un droit d’écriture. Ensuite l’article R. 211-9-7 du C. mon. fin impose que le DEEP soit « conçu et mis en oeuvre de façon à garantir l’enregistrement et l’intégrité des inscriptions et à permettre, directement ou indirectement, d’identifier les propriétaires des titres, la nature et le nombre de titres détenus ».

Enfin il convient de noter que l’articulation d’un DEEP avec le RGPD doit faire l’objet d’un traitement particulier. Il est impossible d’effacer des données inscrites dans un DEEP ce qui pourrait faire obstacle au droit à la suppression des données. Le DEEP doit en effet permettre d’identifier les propriétaires des titres. Le chiffrement des données personnelles via un système d’accès avec des clés privées apparait alors comme une solution pour une articulation dans les règles du DEEP avec le RGPD.

L’équivalence entre les deux supports d’inscription n’est établie qu’à la condition de maintenir au moins un gestionnaire identifié du DEEP

Le régime des titres financiers repose entre autre sur l’existence d’une personne tenant le compte-titres et donc d’une personne gestionnaire du support d’inscription d’un titre financier. Le DEEP ne peut donc que recourir à une blockchain privée dans laquelle existe une autorité centrale qui maitrise la chaine de blocs contrairement à une blockchain publique qui supprime tout intermédiaire.

Pour une opération sur titres, le régime juridique applicable aux titres financiers implique de s’adresser à un teneur de comptes. Il semble donc nécessaire de recourir à une blockchain privée qui est gouvernée par au moins une personne identifiée et non pas uniquement par un protocole informatique. Un gestionnaire de DEEP semble inévitable. C’est la volonté des rédacteurs du décret du 24.12.2018. Suite à ce dernier, les articles R. 228-8 du C. com., R. 211-2 et R. 211-3 du C. mon. fin. précisent d’ailleurs qu’il appartient à la société ou à un mandataire désigné par celle-ci de tenir le registre (papier ou DEEP).  Le recours à une blockchain publique est ainsi difficilement envisageable.

Indépendamment des teneurs de comptes, il faut donc au moins une personne identifiée gérant le DEEP. En effet toute réglementation afférente aux garanties techniques que doit présenter une blockchain nécessite au moins un gestionnaire identifié de la blockchain. C’est aussi ce que semble indiquer le nouvel article R. 211-9-7, alinéa 2 du C. mon. fin. qui exige l’élaboration d’un « plan de continuité d’activité actualisé » (une personne doit être débitrice de cette obligation).

Ayant analysé à la fois les fonctions et caractères de l’inscription en compte et la volonté du législateur, Digistre a ainsi mis en place un service de dématérialisation des registres des mouvements de titres. En faisant le choix de Digistre vous vous assurez l’équivalence entre l’inscription en compte et l’inscription dans la blockchain privée mise en place par Digistre. Optez pour une solution de tenue de comptes dématérialisée telle que Digistre et votre seule action à mener sera de publier au BALO la dénomination et l’adresse du mandataire chargé de la tenue de vos comptes.

Une formule de garde existe pour les registres qui mouvementent peu. Pour l’essayer, c’est par ici : Formules.