Le Venture Debt, complément ou alternative au Venture Capital ?
Il y a un adage qui dit que le premier rôle du PDG d’une startup est de s’assurer que son entreprise ne manque jamais d’argent. Lors du financement d’une entreprise en pleine croissance, le Venture Debt peut être un excellent moyen pour lever des fonds en complément du Venture Capital. Peut-il cependant exister comme une alternative au Venture Capital ?

Qu’est-ce que le Venture Debt ?
Le Venture Debt est souvent utilisé pour décrire un type spécifique de prêt à une startup soutenue par du Venture Capital. Étudions alors plus en détail les spécificités de cet outil de financement. D’une maturité moyenne généralement comprise entre 3 et 5 ans, le Venture Debt est avant tout une dette avec un nominal et des intérêts. Cette dette se distingue par deux caractéristiques notables :
- Elle dispose d’intérêts annuels souvent compris entre 8% et 15% – ce qui la différencie de la dette bancaire dont le coût est bien inférieur ;
- Elle dispose généralement d’une option d’achat de titres de la société (warrant) qui peut représenter entre 10% et 25% du montant de la dette – ce qui la distingue des obligations convertibles dont la majorité du montant investi est appelé à être converti.
Outre ces caractéristiques, son principal avantage est avant tout d’être un instrument de financement peu dilutif pour les actionnaires… à mi-chemin entre la dette bancaire et la levée de fonds en equity. En plus d’être moins dilutif que l’equity, cet instrument peut aussi être moins coûteux s’il est bien paramétré et utilisé dans le bon timing. Dans l’exemple ci-dessous, bien que spécifique, on constate qu’un Saas qui aurait opté pour une tranche de Venture Debt (avec intérêts et option d’achat) pour une partie de sa levée de fonds aurait, en cas de cession ultérieure, un coût société net inférieur au coût d’une levée de fonds en equity.

Mais le Venture Debt ne s’adresse pas à toutes les sociétés, loin s’en faut. Il convient déjà d’être capable de rembourser ses intérêts et le nominal aux échéances. Cet instrument est avant tout adapté aux entreprises en forte croissance et proches de la rentabilité.
Un complément au Venture Capital plus qu’une alternative
Le Venture Debt peut s’appréhender comme un complément au Venture Capital. En effet l’utilisation la plus courante et la plus traditionnelle du Venture Debt pour une entreprise soutenue par du capital-risque est d’augmenter le « runway » de cette entreprise jusqu’à sa prochaine augmentation de capital (autrement dit, d’augmenter le nombre de mois disponibles avant de manquer de trésorerie). Ce faisant, la société disposera d’un délai plus long pour augmenter sa valorisation avant la prochaine augmentation de capital. Bien que ce ne soit pas la seule utilisation de Venture Debt, c’est sans doute la plus courante.
Le calcul du runway de l’entreprise, généralement représenté en mois, est simple : les liquidités en banque (plus toute facilité de crédit disponible) divisées par la perte nette mensuelle. Donc, si l’entreprise a 2 millions d’euros en banque plus un prêt de 1 million d’euros et « brûle » 300 000 euros par mois, elle aura 10 mois de runway. En ajoutant de la dette « Venture », le montant des liquidités disponibles sera alors augmenté et le runway prolongé. Ceci est illustré par le schéma en tête d’article inspiré du diagramme de la Silicon Valley Bank (un pionnier en matière d’émission de Venture Debt aux États-Unis à partir des années 1980).
Ce diagramme montre une extension du runway de l’entreprise via une dette « Venture » peu de temps après une augmentation de capital. Le temps gagné laisse la possibilité d’atteindre des objectifs spécifiques afin qu’une valorisation plus importante puisse être estimée lors de la prochaine augmentation. De plus, une levée de fonds en equity prend souvent beaucoup de temps (plusieurs mois). Ainsi une extension du runway via de la dette peut faire une grande différence en terme de célérité pour une startup en pleine expansion.
Une tendance qui s’accélère malgré quelques sceptiques
Comme tout dispositif de financement, le Venture Debt ne fait pas l’unanimité et compte quelques sceptiques. Paul Graham, figure de la Tech et l’un des membres fondateurs de Y Combinator, un incubateur qui a lancé plus de 2 000 entreprises, a tweeté à ce sujet en 2020 :

Comment comprendre ce tweet ? Il est indéniable qu’il y ait des avantages mais aussi des inconvénients à utiliser à la fois de la dette et des capitaux propres pour une startup. S’endetter revient à utiliser un effet levier. Un effet levier est un amplificateur. Les rendements et les risques d’un investissement sont donc amplifiés par la dette. Étant donné que les startups sont généralement considérées comme « risquées », il est pertinent de se demander s’il faut ou non ajouter plus de risques à ces entreprises.
Aussi, sur les marchés où il existe beaucoup de capitaux disponibles (comme la Silicon Valley), l’ajout d’un amplificateur peut sembler inutile.
L’ironie pour Paul Graham est que, quelques mois après ce tweet, Airbnb, une société dans laquelle Y Combinator a investi, a eu recourt à une dette Venture de 1B USD pour allonger son runway pendant le Covid. Cela a conduit à une introduction en bourse extrêmement réussie. Le fondateur a révélé que les actions avaient été évaluées à 30 USD chacune au moment de l’offre de la dette. Elles ont été introduites en bourse des mois plus tard à 68 USD par action pour un prix à 146 USD à l’ouverture le premier jour de la cotation. Mais peut-on véritablement considérer Airbnb comme une startup ?
Airbnb est un exemple parmi d’autres. Il s’inscrit dans une longue liste de sociétés ayant eu recours au Venture Debt ces dernières années. Au sein de cette liste, on peut notamment citer :
- Facebook (100M USD en 2008 auprès de TriplePoint Capital pour financer ses serveurs)
- Airbnb (1B USD en 2020 pendant le Covid)
- Celonis (600M USD en 2022 mené par KeyBanc Capital Markets)
- Liquidity (725M USD en 2022 mené par MUFG Bank et Apollo)
- Silvr (112M EUR en 2022 en France)
Et la tendance ne ralentit pas. Au cours des sept premiers mois de l’année 2022, les entreprises soutenues par le capital-risque aux États-Unis ont levé près de 16 milliards de dollars de dettes via 321 transactions, selon les données de Crunchbase. A la même période en 2021, le montant levé en dettes était de 13,3 milliards de dollars via 320 transactions.
Mais quels sont les acteurs qui financent ces dettes ? Parmi les prêteurs on retrouve des institutionnels, des acteurs gouvernementaux et des acteurs qui en ont fait leur spécialité. En voici une liste non exhaustive.

De plus en plus organisé, le recours au Venture Debt s’accélère. Le fonds de VC américain Bessemer Venture Partners synthétise dans une très bonne note les situations dans lesquelles cet instrument de financement est pertinent. Ainsi il est envisageable de considérer le Venture Debt :
- Pour compléter un tour table en limitant l’effet dilutif ;
- Pour se donner du temps pour atteindre des objectifs avant une nouvelle levée de fonds, une opération M&A, ou une IPO et ainsi affiner au mieux le prix ;
- Pour rallonger son runway (par sécurité) pour se protéger d’un retard sur les objectifs dans le futur ou pour éviter d’avoir à lever un bridge imprévu;
- Pour financer la sortie d’actionnaires (en désaccord sur la stratégie ou tout simplement en besoin de liquidités).
A la lumière de ces cas pour lesquels le recours au Venture Debt est utile (voire nécessaire), cet instrument semble être un sérieux complément eu Venture Capital et ne saurait être une simple alternative. La règle suivante édictée par la Silicon Valley Bank, acteur de référence en matière de Venture Debt, ne dit finalement pas autre chose : « The first rule of venture debt is that it follows equity; it doesn’t replace it. »
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