Assemblée générale d’actionnaires : l’avenir passe-t-il par la blockchain ?
En 2022, la société de service de proxy Broadridge a enregistré 501 milliards de droits de votes exercés sur 4 428 assemblées d’actionnaires. Sur ce volume, de nombreux résultats de vote avaient une marge de victoire inférieure à 1%. Dans ces cas de figure, le risque d’erreur sur le résultat final d’un vote existe et est même renforcé. Le processus de vote en assemblée générale n’est donc pas parfait et un résultat de vote erroné peut être lourd de conséquence pour l’entreprise. Si l’utilisation de la blockchain est souvent évoquée pour faciliter le vote dans la sphère politique, on parle beaucoup moins du cas d’usage du vote dans le domaine de la gouvernance d’entreprise. Quelles sont alors les promesses de la blockchain pour le processus de vote en AG ?

Assemblées générales d’actionnaires : état des lieux du système actuel
Le concept de droit de vote selon lequel les actionnaires ont le droit de participer aux prises de décisions de l’entreprise, est au cœur de la gouvernance de cette dernière. Chaque année, les actionnaires sont convoqués à des Assemblées Générales pour voter d’importants ordres du jour de l’entreprise, tels que :
- l’élection du nouveau conseil d’administration
- la modification des statuts
- l’approbation d’une fusion
- etc.
L’organisation d’assemblées d’actionnaires reste cependant un processus fastidieux qui peut s’avérer coûteux, lent et sujet aux erreurs.
Voici des exemples concrets qui témoignent des problèmes du système actuel :
Des intermédiaires (trop ?) nombreux
De nombreux intermédiaires peuvent être impliqués lorsqu’une entreprise essaie de mettre un ordre du jour au vote : courtiers, banques, fournisseurs de services de proxy, cabinets de conseil ayant procuration, compilateurs de votes, etc. S’ils ont chacun une utilité dans le processus de vote, et qu’il existe peu d’alternatives à leur intermédiation, ces participants sont perçus comme des freins à l’efficacité du vote.
Des erreurs dans les résultats des votes
L’exemple de Procter & Gamble
En novembre 2017, l’homme d’affaires américain Nelson Peltz concourait pour un siège au conseil d’administration de l’entreprise Procter & Gamble. Lorsque les résultats sont sortis, il a perdu. L’entreprise a revendiqué la victoire par 6 millions de voix sur 2 milliards de voix. Contestant le résultat, Nelson Peltz a exigé un recomptage. Un tabulateur de vote différent a été nommé, et un recomptage a été effectué. Après recomptage, Peltz s’est avéré être le vainqueur par une marge de 42 780 voix.
(Article Financial Times)
L’exemple de Microsoft
En février 2008, Microsoft a fait une offre d’achat de Yahoo! pour 31 $ par action. Le conseil d’administration de Yahoo! a décliné l’offre. Peu de temps après, malgré l’insatisfaction croissante des actionnaires suite à cette décision, Yahoo! a annoncé avoir reçu l’approbation des membres du conseil d’administration déjà en place votée par 80 % des actionnaires. Cela ne s’est en fait jamais produit. Broadridge avait déclaré 20 % des votes par erreur et n’incluait pas des millions d’électeurs dans le décompte final.
(Article TechCrunch)
Le système actuel donne ainsi aux tiers un pouvoir important avec peu de transparence, laissant place à des erreurs pouvant avoir un impact considérable sur la gouvernance d’entreprise.
Les promesses de la blockchain pour les assemblées générales (AG)
De manière générale, les assemblées d’actionnaires n’offrent pas assez de flexibilité pour assurer un vote démocratique en toutes circonstances, et peuvent être assimilées dans certains cas à de véritables simulacres d’assemblées.
La modernisation via la blockchain
La modernisation des pratiques de vote est un des besoins actuels de la gouvernance d’entreprise. C’est là que la blockchain entre en jeu pour moderniser ces pratiques de vote au sein de la gouvernance d’entreprise, notamment grâce à deux de ses caractéristiques :
- L’immutabilité : qui permet de garantir la fiabilité du résultat du vote
- La transparence : qui offre à chaque votant la possibilité d’accéder directement aux résultats de l’élection, et de s’assurer que son vote a bien été pris en compte
Des avancées technologiques ont déjà été dans le sens de cette modernisation, comme la possibilité de recourir au vote électronique pour effectuer un vote à distance. Néanmoins, ces avancées ne sont pas suffisantes pour le contrôle des votes à distance ou encore leur comptabilisation, et restent sujettes à des erreurs (comme évoqué ci-dessus).
Des promesses à exploiter avant tout sur le vote
En cas de recours à une blockchain dans le cas d’usage du vote d’un actionnaire, chaque vote émis correspondra à une transaction entre :
- une adresse d’émission (celle du portefeuille fournissant les fonds nécessaires à l’enregistrement des votes)
- une adresse de réception (pouvant être celle d’un smart contract susceptible d’être programmé pour recevoir le contenue des transactions et comptabiliser le nombre de voix à chaque option)
Ainsi, lorsque l’actionnaire émettra son vote, il donnera l’ordre de transférer le token auquel est adossée la donnée abritant le détail du vote (à savoir, l’option choisie). La transaction sera alors identifiée par un numéro, hashée, enregistrée et horodatée dans un bloc qui, une fois validé, sera ajouté dans la blockchain.
Les améliorations concrètes pour le vote d’un actionnaire
Sécurité
Alors que le vote en ligne traditionnel réalisé de façon centralisée implique la certification par un tiers de confiance, le caractère décentralisé de la blockchain lui permet au contraire de s’affranchir de tout intermédiaire. Le vote est directement enregistré à la suite des autres votes dans un registre qui est distribué dans tous les ordinateurs du réseau (cela réduit ainsi les risques de falsification). Cette technologie permet aussi un décompte des votes rapide, voire en temps réel.
Transparence (et conformité)
Le fait, pour le votant, de pouvoir contrôler la prise en compte de son vote est une manière aussi de se mettre en conformité face aux obligations de la directive « Droit des actionnaires II ».
Simplification
Actuellement, le vote électronique est encore très peu utilisé en raison d’une offre technologique encore insuffisante. Des applications sur blockchain pourraient fournir aux actionnaires l’outil idéal pour voter à distance simplement, et en toute sécurité.
Toutes ces promesses d’application sur blockchain pourraient ainsi améliorer la démocratie actionnariale. Il serait alors possible d’imaginer une AG entièrement dématérialisée, permettant aux sociétés de solliciter en temps réel l’avis des actionnaires ou d’obtenir rapidement une décision sociale. De plus, afin de maintenir la fonction de dialogue des AG, cette consultation en temps réel pourrait être accompagnée de l’ouverture d’une plateforme de discussion avec la direction de la société.
Les contraintes technologiques persistantes
Cependant, malgré ces améliorations promises par la technologie blockchain, celle-ci requiert de nombreuses modulations qui pourraient, in fine, lui faire perdre ses propriétés originelles.
Immutabilité de la blockchain
Lorsqu’un actionnaire ayant déjà exprimé son vote à distance cède ses actions avant le jour de l’AG, ou avant la date de l’enregistrement (soit le deuxième jour ouvré précédent l’assemblée à zéro heure, heure de Paris), la société doit en principe invalider ou modifier le vote exprimé à distance. Il faut donc mettre en place un système de corrections une fois le vote enregistré, sans que cela ne remette en cause la fiabilité du vote sur blockchain.
Accessibilité de la blockchain
L’accès à l’adresse d’émission ne doit être ouvert qu’aux associés ou actionnaires titulaires d’un droit de vote. La blockchain offre cette possibilité en protégeant l’accès à cette adresse grâce à une clé privée. La difficulté réside dans le fait que l’actionnaire doit pouvoir déléguer un mandat de vote à une tierce personne (autre actionnaire, conjoint, etc), ce qui présuppose qu’un tiers puisse utiliser ses jetons de vote. L’actionnaire doit aussi pouvoir révoquer ce mandat de vote et récupérer ses jetons de vote.
Il faudrait donc prévoir des systèmes de transfert de jetons sur des comptes d’actionnaires (tels que pour le registre des mouvements de titre).
De plus, seule une blockchain privée semble envisageable pour 2 raisons :
- les blockchain privées fonctionnent en réseau fermé
- l’accès à leur réseau est délivré par une organisation centralisée
Ainsi, les transactions ne sont ouvertes qu’à une liste limitée d’intervenants dont l’identité peut être contrôlée par un tiers certificateur. Les accès en lecture et en écriture pouvant ne pas être les mêmes dans une blockchain privée, cette technologie permettrait d’intégrer des observateurs chargés de superviser la bonne tenue du vote.
L’amélioration du processus de vote en AG pour les sociétés cotées est un enjeu considérable, et tout reste encore à créer. Pour les sociétés non-cotées, si le risque d’erreur et le nombre d’intermédiaires est limité, les avantages de la blockchain sont tout autant profitables.
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